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Une agora

Les organismes vivants sont interdépendants avec leur environnement. Notre écosystème à nous, artistes de rue, est l’espace public. Celui-ci a été particulièrement maltraité ces deux dernières années. L’espace public s’est vu isolé de sa population. Pendant que nous étions confinés, la rue devenait solitaire et muette. Notre lieu principal de création, d’expression, notre magnifique lieu de travail, fût mis en pause. Les badauds, commerçants, artistes, ont hiberné pour certains, ou migré vers des terres virtuelles pour d’autres. Tout ce biotope a fait ce qu’il a pu, avec plus ou moins de chance.

La rue n’a pu que subir, meurtrie par des politiques sécuritaires existant depuis des décennies déjà. Aujourd’hui s’accoudent et prolifèrent aux barrières agents de sécu, police municipale et nationale, gendarmerie et armée sous le regard de caméras de vidéosurveillance. Rappelons-nous que Vigipirate existe depuis plus de 25 ans. Plus de 25 ans d’urgence sécuritaire dans l’espace public. Avec la mise en place du passe sanitaire, nous pourrions attester de la création d’un nouveau variant : VigiCovid.

L’usage est désormais de clôturer l’espace public, présenter son passe, ouvrir son sac, rassurer les autorités avec des protocoles souvent plus lourds encore que dans les espaces commerciaux privés. Apparemment, la rue n’est plus à tout le monde.

La rue n’est pas un parc naturel à grillager, son biotope ne peut se réaliser pleinement qu’avec une ouverture totale à la vie.

Nous tous, organismes vivants, dépendons de notre environnement.

Nous autres, artistes de rue, dépendons de la rue. Nous revendiquons un retour à l’espace public.

Bien sûr, des conditions sanitaires et de sécurité sont à inventer. Et nous osons penser que nos ambitions poétiques, nos débats d’idées, notre envie de vivre ensemble, tout ces dénominateurs communs de chacune de nos créations permettent un pas de plus plus vers une société sereine et bienveillante.

Nous revendiquons un espace public libéré et apaisé, avec une liberté d’expression et d’écoute restituée. Nous souhaitons que les décideurs et responsables s’engagent à réduire la dérive sécuritaire et administrative qui contraint l’espace public et le transforme en établissement de plein air. Nous revendiquons que l’espace public redevienne ce qu’il aurait dû toujours être :

Une Agora.